mardi 31 mars 2015

Blog en pause

Ceux qui suivent régulièrement les article de ce blog auront remarqué qu'il n'est plus mis à jour depuis plusieurs mois. Je continue à écrire, mais ailleurs, ce qui me prends plus de temps que je le souhaiterais. Ayant en outre beaucoup de travail dans mes études, j'ai dû faire des choix.

Ce blog est donc en pause pour l'instant.

Vous pouvez me suivre sur Acrimed.org et, plus régulièrement, sur Thinkover.fr

Jérémie Fabre

vendredi 19 décembre 2014

La leçon de journalisme d'Atlantico.fr et de Benoît Rayski

Le 18 décembre, le site Atlantico.fr publie un article de l'essayiste Benoît Rayski, sobrement intitulé « Attaque à la voiture-bélier contre une école de Corbeil-­Essonnes : les apprentis talibans sont parmi nous ».

Une iconographie tout en nuance

La thèse de l'article, consiste à lier deux événements à priori totalement différents :

  • Les nuits des 5 octobre, 20 octobre et 16 décembre dernier, plusieurs écoles de Corbeil-Essonnes (91) subissent une attaque à la voiture-bélier. L'une des écoles, qui venait d'être inaugurée, a été fortement endommagée. Fort heureusement, ni morts, ni blessés ne sont à déplorer.
  • Le 16 décembre, un groupe de talibans armés attaquent une école de Peshawar dans le nord du Pakistan. Là, selon les estimations actuelles, 141 personnes sont assassinées, dont 132 enfants.

Le lien entre les deux affaires ne vous semble-t-il pas évident ? A moi non plus.

« Aucun rapport ? Pas sûr »

Pour Benoît Rayski, cependant, le rapport entre la tuerie pakistanaise et les voitures brûlées de Corbeil-Essonnes est évident : c'est l'islam !

vendredi 24 octobre 2014

Sur les forums en ligne : bataille pour et par la jeunesse politisée

En juillet 2014, l'association des Amis du Monde diplomatique organisait un concours d'articles pour les étudiants, dont le gagnant devait être publié dans l'édition de novembre 2014 du journal. L'article gagnant est « La prison hors les murs : l'alternative oubliée » de Sarah Perrussel et Léa Ducré, à qui je transmets toutes mes félicitations. Voici, ci-dessous, ma contribution à ce concours. Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont pris la peine de répondre à mes questions (ils se reconnaîtront), sans qui rien n'aurait été possible.

Parmi ses critiques du documentaire Les Nouveaux Chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, l’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert a, contre toute attente, soulevé un point intéressant : « Il y a quand même une réalité numérique complètement dingue, il y a des trucs qui existent qui sont extrêmement puissants. Par exemple du côté d’Alain Soral, on n’aime pas en parler, évidemment, parce que ça nous gêne tous, mais c’est énorme et ça ne se voit pas. (…) Les sensibilités différentes, on les retrouve sur Internet. (…) Quelqu’un de critique, avec rien, peut s’exprimer, peut se développer, peut avoir un impact considérable. (…) On fait comme si on était dans les années 1960 ou 1950, avec des grands journaux qui décident du haut de leur magistère. Ces grands journaux ils ont tous d’énormes problèmes, ils sont en difficulté (1). »

Le classement des sites Internet français produit par Alexa.com (2) réserve en effet quelques surprises. On y voit notamment le site Egalité et Réconciliation d’Alain Soral (207e) dépasser de plus de quarante places celui de La Tribune (250e) ou de Mediapart (259e). Déjà fort médiatisé (3) , cet exemple est cependant battu à plate couture par une autre forme bien plus discrète de politisation en ligne : les forums de discussion.

C’est à la 23e place, soit quelques places seulement derrière les meneurs de l’information française en ligne que sont Le Monde (14e), L’Équipe (15e) et Le Figaro (16e), qu’on trouve le plus populaire des sites de forums de discussion francophones : Jeuxvideo.com.

« Un nid de guêpes »

Pour M. Gwendal Lerat, gestionnaire de communauté pour le site, « les forums sont une source de trafic majeure pour Jeuxvideo.com, puisque c'est actuellement la rubrique la plus consultée. » Si les espaces de discussions générales ou touchant au jeu vidéo y sont fondamentaux, « on parle tout de même de plusieurs milliers de messages par jour, sur la grosse dizaine de forums qui traitent de sujets sérieux, le plus populaire étant le forum Actualités. »

Ce succès n’a pas échappé aux partis politiques. « Je fais beaucoup de propagande politique car j'ai très vite compris le potentiel immense d'Internet pour faire passer nos idées à moindre frais, confie un usager régulier du forum, encarté au Front national (FN), les forums bla-bla sont considérés comme les plus actifs de France avec une population jeune, l'endroit idéal pour tracter virtuellement. » En mars 2014, le magazine GQ relevait les propos de David Rachline, chargé de la campagne du FN sur Internet : « On a une équipe de vingt bénévoles qui participent activement aux discussions politiques sur les forums comme Jeuxvideo.com ou le Figaro.fr. Ils ne sont pas directement sous notre autorité mais portent notre parole ».

jeudi 16 octobre 2014

Faux débat américain sur l'immigration

Dans le numéro de septembre de la revue Extra! de l'association Fairness and Accuracy in Reporting, on apprend qu'un débat houleux oppose les Démocrates et les Républicains américains sur l'augmentation massive d'arrivées illégales (via le Mexique) d'enfants immigrés d'Amérique centrale.

Pour les Républicains, ces masses d'enfants sont attirées par les récentes modifications de la législation du gouvernement fédéral Démocrate, jugées « laxistes », qui permettent à ces mineurs de ne pas être renvoyés dans leur pays. Pour Laura Carlsen, du Americas Program of the Center of International Policy, l'argument est pourtant plus que douteux :
Le Haut Commissaire pour les réfugiés a publié un rapport comprenant 400 interviews, et nous avons pris contact avec les camps de réfugiés ici au Mexique, qui sont pour la plupart gérés par l'Eglise catholique. Parmi les centaines de personnes qui arrivent ici chaque jour, presque personne n'a perçu de changement dans la politique migratoire des Etats-Unis.
Pour expliquer le phénomène, les Démocrates, et particulièrement la Maison-Blanche, évoquent au contraire la violence et la pauvreté dans les pays d'origine des migrants. Une explication plus cohérente, mais qui fait l'impasse sur un élément important :
Parmi les éléments que presque tous les réfugiés citent, on retrouve les conditions de vie absolument insupportables dans leur pays d'origine. Quelques médias en ont parlé, mais ce qu'aucun n'a évoqué, c'est en quoi les politiques américaines ont contribué aux conditions de vie presque impossibles au Honduras, tout particulièrement, mais aussi au Guatemala et au Salvador. (...)

lundi 22 septembre 2014

L'Egypte entre de bonnes mains

Le 20 septembre, l'agence de presse Reuteurs annonce la livraison par les Etats-Unis de dix hélicoptères Apache au gouvernement égyptien, afin de l'aider « dans sa lutte contre le terrorisme ». Cette nouvelle officialise le retour de l'Egypte dans les bonnes grâces de l'appareil diplomatique américain. Afin de bien comprendre les implications d'une telle information, un retour en arrière s'impose.

Du « Printemps arabe »...

En février 2011, à l'apogée égyptien des révoltes qui parcourent le monde arabe, le président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, est lâché par l'armée. Cette dernière comprend que la situation n'est pas tenable, et qu'elle doit faire des concessions. Un gouvernement de transition est mis en place avant que des élections soient organisées. Ces élections sont gagnées par Mohamed Morsi, représentant des islamistes modérés des Frères musulmans, courant politique majeur en Egypte et qui bénéficie d'une aura de résistance face au pouvoir de Moubarak.

En juin 2013, le président Mohamed Morsi, premier président élu démocratiquement de toute l'histoire de l'Egypte, fait face à de gigantesques manifestations populaires. Une partie importante du peuple égyptien dénonce son incompétence sur le plan économique, et sa volonté supposée de « frériser » l'appareil d'Etat égyptien.

Si cette première accusation se tient, la seconde relève de la fiction, tant « l'Etat profond » égyptien reste tenu d'une main de fer par l'armée. Cette dernière, contrôlant encore de larges pans de l'économie égyptienne, a discrètement contribué à la multiplication des pénuries et des carences sécuritaires ; contribuant insidieusement à la dégradation de la légitimité de l'action du président Morsi.

jeudi 28 août 2014

Débat sur le GMT : imprécisions, mauvaise foi et mensonges de ses défenseurs

En juin dernier, j'ai pu assister à un débat organisé à Paris par la Direction de l'information légale et administrative (DILA) et le site Touteleurope.eu sur le thème « Traité de libre-échange transatlantique, menace ou opportunité pour l’Union européenne ? ». Passons volontairement sur la réduction des enjeux à une possible lutte entre les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) ; ainsi que sur l'assimilation discutable de l'intérêt des peuples européens et celui de l'UE. Le débat opposait l'eurodéputée Europe Ecologie Les Verts Karima Delli (opposée au traité), le chercheur passé par la Banque mondiale et professeur à Science Po Patrick Messerlin (pour le traité), et le fonctionnaire de la « Directorate General for Trade » de la Commission européenne - et ex-collaborateur de Pascal Lamy - Edouard Bourcieu (pour le traité) ; le tout sous la modération de Maxime Vaudano, journaliste au Monde.

Etant venu seul et en avance, j'ai eu tout le loisir d'écouter les conversations de la population de quarantenaires masculins, blancs, en costume et les cheveux courts ; manifestement tous pour ce projet de Grand marché transatlantique (GMT). Si ces observations relèvent de l'anecdote, les ricanements systématiques accompagnant chaque prise de parole de Karima Delli n'ont clairement pas élevé le niveau du débat. J'ai tout de même pu relever quelques perles en provenance des deux pro-GMT du débat. Entre imprécision, mauvaise foi et mensonges éhontés, je vous présente Patrick Messerlin et Edouard Bourcieu dans toute leur gloire :


Patrick Messerlin

« Toute idée de faire du TTIP une sorte d'OTAN économique d'abord contre la Chine, maintenant contre la Russie, c'est catastrophique. Les affaires commerciales ne sont pas les affaires géostratégiques, il faut vraiment faire la différence. (...) Nous ne devons pas suivre la partie des Américains qui transforment le TTIP en un traité stratégique. »

Raté ! La partie des Américains visée par Patrick Messerlin est loin d'être la seule à voir dans le TTIP (ou GMT) un traité des plus stratégiques. C'est d'ailleurs exactement le sujet de la carte publiée dans un article précédent, dont sont extraites les citations suivantes :

« On voit monter ces émergents qui constituent un danger pour la civilisation européenne. Et nous, notre seule réponse serait de nous diviser ? C’est une folie. »
- François Fillon, RTL, 14 mai 2014.

vendredi 18 juillet 2014

Bombardements à Gaza, festival d'hypocrisie en France et aux Etats-Unis

Réagissant au communiqué de François Hollande faisant savoir qu'il « appartenait au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population », un « vieux routier du Quai d'Orsay » fait part de son incompréhension à Claude Angeli, du Canard enchaîné : « personne n'ignore les fortes sympathies du Président et de Manuel Valls à l'égard d'Israël. Mais de là à accorder un chèque en blanc à Netanyahou et à engager ainsi la France, il y a tout de même une marge. »

L'appareil diplomatique français semble lui-même « colonisé » par d'influents pro-israéliens, à l'image de Jacques Audibert (patron de la cellule diplomatique de l'Elysée), Emmanuel Bonne (conseiller pour l'Afrique du nord et le Moyen-Orient) et Gérard Araud (ambassadeur à Washington et ex-représentant de la France à l'Organisation des Nations unies). « Ni de droite ni de gauche, admiratifs des Etats-Unis, partisans des interventions militaires et de l’OTAN, obsédés par la "guerre contre le terrorisme" et contre l’islam, grands admirateurs d’Israël, ils s’incrustent au cœur de l’appareil d’Etat et garantissent la continuité de la diplomatie française, quel que soit le parti au pouvoir », observe Alain Gresh.

On peut aussi évoquer le cas du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, VRP va-t-en-guerre d'Israël. Si bien qu'un « vieux socialiste » en conclut ironiquement que « l'entourage élyséen de François Hollande n'a rien fait pour calmer ses emballements pro-Netanyahou, bien au contraire ». Le directeur du renseignement à la DGSE François Sénémaud a même récemment dû demander à ses troupes d'éviter de rédiger des notes susceptibles de contredire les analyses de la cellule diplomatique de François Hollande ; ce qui montre bien l'aveuglement idéologique qui règne en haut lieu, et promet de belles bourdes à l'avenir.